Si elle a connu dans les 20 et 21ème siècles des avancées significatives quant aux droits et au statut des femmes, notre société est toujours structurellement sexiste, donc porteuse d’inégalités et de discriminations à l’encontre des femmes et des personnes LGBTQI.
Les attaques sexistes et LGBTQIphobes se multiplient actuellement (Manif pour Tous, Journées de retrait de l’école, lobbying contre des œuvres plastiques et destructions, disparition des ABCD de l’égalité). Malgré des proclamations en faveur des libertés fondamentales, nous avons vu le gouvernement multiplier les reculs (retrait du terme « genre » des textes officiels entre autres…) et se mettre en place une régression générale du statut des femmes (travail de nuit, travail du dimanche, développement de la précarité et du sous-emploi, assignations vestimentaires, valorisation de la maternité, restriction de l’accès à l’avortement, remise en cause de la contraception féminine, …).
Face aux inégalités et discriminations sexistes et LGBTQIphobes , face aux attaques des uns et aux renoncements des autres, il est essentiel pour SUD Education Limousin, syndicat de lutte et de transformation sociale, de rentrer avec plus de détermination encore dans la bataille féministe, de défendre un engagement fort, qui se traduise dans des actions et des revendications portées avec constance et visibilité.
I) Combativité : un féminisme en lutte contre toutes les formes de sexisme et de LGBTQIphobies
Syndicat de lutte, SUD éducation Limousin veut être de tous les combats qui se jouent au sein de l’école contre le système de domination patriarcal et hétérosexiste, traduit par les discriminations, les inégalités et les stéréotypes de genre. Ces combats concernent tous les acteurs et actrices des établissements.
1° Les élèves
Face à l’offensive réactionnaire et au comportement rétrograde de l’institution scolaire, il nous faut réaffirmer nos revendications : une école qui garantisse l’épanouissement des élèves, qui leur permette de se construire en dehors des stéréotypes et des hiérarchisations aliénantes, qui promeuve l’égalité entre tou·te·s, filles, garçons, trans, cis, intersexué-es, qu’iels soient hétéros, lesbiennes, gays, bi·e·s. Une école qui permette à tout‑e élève de penser sa vie comme un possible et son identité comme son bien propre, comme par exemple choisir son prénom et les pronoms qui vont avec.
Pour cela, SUD Éducation Limousin revendique la participation des élèves , dans des groupes non mixtes si nécessaires dans la réflexion et les pratiques pédagogiques antisexistes et anti LGBTQIphobes, pour déconstruire de façon concertée et coopérative les stéréotypes :
- la ré-intégration du concept de genre dans les textes officiels et sa prise en compte dans des programmes élaborés par la communauté éducative.
- la prise en compte de ces questions dans les enseignements.
- la production de manuels qui fassent sa place entière à l’histoire des femmes, non pas sur un strapontin dans des dossiers documentaires annexes, mais dans le corps du texte et le fil de l’histoire (documents-sources d’auteures, féminisation des textes, évocation systématique de la place des femmes, vision genrée des événements et des concepts).
- la mise en œuvre de pratiques de classe favorisant la circulation égalitaire de la parole, les pratiques coopératives, l’apprentissage de toutes les disciplines pour toutes et tous dans une école polytechnique.
- l’effectivité des séances d’éducation à la sexualité prévues dans les textes officiels et la prise en compte dans ces séances d’une perspective non hétérocentrée, qui mette sur un pied d’égalité toutes les orientations sexuelles et toutes les identités de genre.
- la mise en place de dispositifs dédiés (comme l’étaient les ABCD de l’égalité) permettant aux élèves de réfléchir spécifiquement aux discriminations et stéréotypes de genre, et de les déconstruire.
- la promotion de projets par exemple via les CESC (Conseil d’éducation à la santé et à la citoyenneté), et d’interventions d’associations ou organisations laïques (Planning Familial, SOS Homophobie par exemple) pour compléter les actions et pratiques pédagogiques mises en œuvre dans les établissements.
2° Les personnels de l’Education nationale
Comme ailleurs, les discriminations sont effectives dans notre champ professionnel. Dans l’Éducation Nationale, à ancienneté égale, le salaire des femmes progresse moins vite que celui des hommes (l’indice moyen des hommes est supérieur à celui des femmes, qui ne représente que 90% de l’indice moyen masculin) notamment à cause de retard de notation du fait de congés maternité ou parental (la note administrative étant gelée pour partie), et d’un avancement de carrière plus lent. Cet écart de salaire se répercute au moment de la retraite.
Par ailleurs, le métier est largement féminisé mais la hiérarchisation patriarcale se reproduit : la hiérarchie est largement masculine (à plus de 75%), et plus on avance dans le système scolaire vers des postes plus valorisés socialement, moins il y a de femmes (elles sont plus de 80% chez les PE, plus de 90% chez les AESH, mais seulement 35% à l’université). Les vœux d’emplois du temps dans le second degré, ou les prises de temps partiel, sont le plus souvent chez les femmes contraints par des obligations familiales, auxquelles elles sont astreintes pour une large part, du fait de la répartition inégalitaire des tâches dans les couples.
De plus, comme sur tout lieu de travail, l’Éducation Nationale n’échappe pas aux problématiques de harcèlement à l’encontre de tous les personnels féminins . Enfin, les personnels reçoivent peu de formation sur les questions de genre et sur les moyens de mettre en œuvre des pédagogies ou des pratiques de travail antisexistes et anti LGBTQIphobes.
On le voit, le chantier est immense.
Ainsi SUD éducation Limousin revendique :
- l’inscription dans les textes de l’arrêt du gel de la note administrative en cas de congé maternité ou parental (comme c’est déjà le cas dans la fonction publique hospitalière) ;
- la suppression de toute notation, de toute inspection et des mécanismes de cooptation patriarcale (jurys des concours, corps d’inspection largement masculins) qui affectent principalement l’avancement des femmes.
- la suppression de la précarité (dont sont victimes majoritairement les femmes), par une titularisation sans condition de tou·tes les précaires, et l’arrêt du recrutement de nouveaux et nouvelles précaires ;
- une politique de prévention (campagne d’information sur les ambiances de travail sexistes, affichage de la loi sur le harcèlement sexuel) et de suivi (accompagnement des victimes dans leurs démarches, notamment judiciaires), via les CHSCT s’agissant des cas de harcèlement, et la mise en place systématique de la protection fonctionnelle, qui est de droit ;
- la mise en place dans la formation initiale de modules obligatoires sur les problématiques de genre, pour les futur-e‑s enseignant-e‑s (selon un volume horaire identique dans toutes les ESPE), et pour toutes les autres catégories de personnel (CPE, agent-e‑s) ;
- un renforcement de l’offre de formation continue sur ces questions ;
- le développement des services de la petite enfance (modes de garde individuels et collectifs) pour que les choix professionnels (temps partiels, disponibilités, congés parentaux…) puissent en être vraiment ;
- une rotation des tâches chez les ATTEE pour ne pas reproduire une division sexuée du travail où les femmes sont le plus souvent assignées aux tâches polyvalentes (faire le ménage, servir les repas) tandis que les hommes occupent les postes techniques ou de supervision (chef cuisine, chef d’équipe) ;
- Sud éducation Limousin revendique la création de groupes non-mixtes si nécessaire.
Plus largement, pour Sud Éducation Limousin, l’horizon doit être celui d’un statut unique à partir duquel toutes et tous nous assurerions par l’autogestion une polyvalence des tâches nécessaires à la vie d’un établissement scolaire.
3° Les militant-e‑s/représentant-e‑s syndicaux
Les stéréotypes de genre et les mécanismes de domination patriarcale sont aussi un frein à la participation des femmes à la vie syndicale. SUD Éducation Limousin intégrera dans son fonctionnement, et portera au sein de Solidaires ces propositions de fonctionnement :
- la mise en place de modes de garde (en priorité autogérés et en parité) pour les réunions locales ou les formations ;
- la mise en place de statistiques genrées systématiques lors des AG et congrès ;
- la mise en place d’une liste canadienne lors des AG et congrès, les adhérent.es n’ayant pas encore parlé sont prioritaires dans le tour de paroles ;
- la limitation des temps de parole lors des AG et congrès à 3mn pour la première intervention puis 2 min pour les suivantes ;
- une vigilance accrue sur la féminisation des candidatures et de la représentation dans nos instances, à tous les échelons de représentativité du syndicat ;
- la création de groupes non mixtes si nécessaire.
L’organisation de stages portant sur les questions de genre, la lutte contre sexisme et LGBTQIphobies est aussi un objectif de Sud Éducation Limousin.
Les structures syndicales, même se réclamant féministes, ne sont pas épargnées par des éventuelles agressions sexistes ou sexuelles en leur sein ou concernant un‑e de leurs adhérent-es. Trop souvent, ces structures ne sont pas prêtes à réagir face à ce genre de situations. Sud Éducation Limousin souhaite mettre en place un protocole pour y faire face : une commission non mixte sera créée pour y réfléchir, le proposer à l’ensemble des adhérent·es et le soumettre à une décision d’AG.
II) Intersectionnalité : un féminisme attentif aux autres formes de domination
La domination patriarcale n’est pas la seule forme de domination qui pèse sur les individu-e‑s : capitalisme et système de classes, racisme et discriminations/stigmatisations, traditionalisme et obscurantisme, viennent confluer avec patriarcat et hiérarchisation hétérosexiste. Il est nécessaire de penser ces formes de domination comme articulées les unes aux autres. Cette imbrication doit influer sur nos stratégies de lutte et sur notre vigilance militante, pour ne pas laisser le féminisme se faire instrumentaliser et servir des argumentaires xénophobes notamment pour empêcher la confiscation ou le détournement de la lutte féministe, une lutte qui œuvre pour l’émancipation de toutes et tous.
L’exclusion de fait des seules femmes voilées des sorties scolaires, consécutive à la circulaire Chatel, est un exemple de cette double machine à broyer et exclure, associant sexisme et racisme : c’est une circulaire sexiste par le fait qu’elle vise spécifiquement les femmes, les renvoie chez elles et les coupe de la sociabilité liée à la vie des écoles ; circulaire raciste car elle vise majoritairement les femmes issues de l’immigration et des quartiers populaires.
SUD éducation Limousin réaffirme :
- sa détermination à lutter contre toutes les formes de domination : de classe, raciste, de genre, d’idéologie, de religion, de courant spirituel ;
- sa volonté de dénoncer l’instrumentalisation du féminisme et la réécriture par des groupes de pression de l’histoire du féminisme, pour servir des mesures ou des postures racistes et discriminatoires, qui aboutirait à des discours et des pratiques à l’encontre de l’autonomie, de l’émancipation, de l’indépendance de la pensée de toutes les femmes et la liberté des individus.
SUD éducation Limousin revendique l’abrogation de la circulaire Chatel (reconduite par le gouvernement actuel) entraînant l’exclusion des femmes voilées des sorties scolaires, et la possibilité pour tous les parents de participer à la vie de l’école, notamment les sorties et voyages scolaires, dans le cadre de la laïcité, donc en respectant la liberté de culte des parents, tout en prévenant les propos prosélytes, religieux ou politiques.
SUD Éducation Limousin laisse en suspens ces réflexions commencées en congrès ; Sud Éducation limousin est t‑il plutôt pour :
- un féminisme essentialiste ? comment penser la complémentarité entre hommes et femmes ?
- un féminisme universaliste ? Est-on pour un modèle de libération globale qui vaudrait pour toutes ?
- un féminisme post-colonial ? comment penser l’intersectionnalité ?
- un féminisme matérialiste ? est-ce qu’en prônant la lutte des classes, en libérant l’individu, le sort des femmes va t‑il forcément s’améliorer ?
- un féminisme queer ? comment déconstruire la notion de genre ? quelle est la place de l’orientation sexuelle dans notre féminisme ?